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RÉFLEXIONS SUR PAULINA 1880 DE PIERRE JEAN JOUVE

RIGHI (François). Réflexions sur Paulina 1880 de Pierre Jean Jouve

[Ivoy-le-Pré] : Righi, 2023 - 3 volumes in-16 étroits, brochés, 17 x 9 cm chacun, 60 pages, couverture imprimée rempliée, étui. Volume 1 : 61 citations calligraphiées & illustrées. Volume 2 : Paul de Molènes, Réflexions sur l’Imitation de N. S. J. C., Maximilien Vox, 1945. Volume 3 : 54 miniatures peintes. Exemplaire unique daté & signé.
Épuisé (K. B. Koopman Collection, La Haye, Pays-Bas).
   

COLOPHON :
Dédié à Laurence Riviale*, ce manuscrit est une collection de 61 citations choisies au fil de la lecture dans Paulina 1880, le roman de Pierre Jean Jouve paru en 1925. Il est inséparable de l’exemplaire n° 133/1000 de l’édition des Réflexions sur l’Imitation de N. S. J. C., de Paul de Molènes (préface de Barbey d’Aurevilly & postface par le général du Barail), publiée en 1945 par Maximilien Vox dans la collection Brins de plume ; ainsi que de 54 miniatures circulaires peintes dans un troisième volume. Texte, peinture et montage ont été réalisés pendant le printemps et l’été 2023.
* Auteure d’un article intitulé « Catherine Crachat, c’est moi ». L’identification à « la femme » chez Pierre Jean Jouve, paru en 2000 dans le numéro 12 de la revue Lunes. Laurence Riviale est Maître de conférences HDR en histoire de l’art moderne à l’université de Clermont-Auvergne.


 

   

FRANÇOIS RIGHI, RÉFLEXIONS SUR PAULINA 1880 DE PIERRE JEAN JOUVE, 2023, 3 VOLUMES, EXEMPLAIRE UNIQUE


 

« Les livres de François Righi sont faits de livres, sont l’incarnation sensible, plastique, d’une lecture. » Cette phrase de Marie-Jeanne Boistard1 exprime au plus près le travail de l’artiste.

François Righi se nourrit de livres, de ses lectures. Certaines lectures sont le fruit d’une rencontre qui accroît encore le désir de s’y livrer. Ainsi en est-il de l’œuvre de Pierre Jean Jouve. Pour s’en convaincre, un livre unique, réalisé en 2023 sur un vieux cahier d’écolier en usage autrefois dans le primaire, de format 17 x 22 cm, intitulé « Catherine Crachat c’est moi », l’identification à la femme chez Pierre Jean Jouve, texte de l’universitaire Laurence Riviale2. François Righi se fait le copiste de cet article paru dans la revue Lunes en 2000. Pour François Righi, lire passe par l’écriture. Non pas s’approprier le texte mais faire corps avec.

Dès lors, un roman de Pierre Jean Jouve s’impose à lui, Paulina 1880. Depuis quelque temps, François Righi est en possession de trois petits livres de 60 pages chacun, sous couverture rempliée, au format 17 x 9 cm. Ils lui ont été donnés par une amie, l’artiste Nicole Courtois, et proviennent du fonds de la librairie d’Éric Lefebvre. Seul l’un des trois est un livre imprimé, un texte de Paul de Molènes, Réflexions sur l’Imitation de N. S. J. C., édité par Maximilien Vox, volume 8 de la collection « Brins de plume », daté de 1945. Les deux autres, à l’exception de leurs couvertures imprimées en typographie, sont constitués de pages blanches. François Righi compte les destiner à sa lecture de Paulina 1880. Ce qui le séduit, leur format, le même que l’édition originale publiée en 1925 aux Éditions de la Nouvelle Revue française. Plus encore, ce qui le retient, le débat dévorant que mène l’héroïne, Paulina, entre désir érotique et désir mystique. Ce roman correspond à la rupture de Pierre Jean Jouve avec ses écrits antérieurs, à la suite de sa rencontre en 1921 avec la psychanalyste Blanche Reverchon qu’il épousera en 1925, après la parution de Paulina 1880.

Le roman est composé de 119 fragments ; 119 scènes réparties en 6 chapitres, où se mêlent deux voix qui se confondent, celle du narrateur (récit et commentaires) et celle de l’héroïne (journal intime, monologue intérieur, prières, effusions). Au cours de sa lecture, François Righi privilégie non pas certaines scènes, mais certaines phrases, en tout 61, qu’il rassemble dans le volume 1 et qu’il intitule RÉFLEXIONS sur Paulina 1880. Pour ces phrases, il use de la main gauche, la main maladroite, rebelle, imprévisible. Écriture irrégulière en capitales, écriture qui monte, qui descend, certains mots plus grands que d’autres. Écriture émotive, écriture qui trahit les deux aspirations contradictoires auxquelles se heurte Paulina. Sa main droite, la main habile, celle qui donne à son écriture un caractère régulier, maitrisé, quasi typographique, il la réserve à ce qui fait la spécificité du livre imprimé et qui ne concerne pas Paulina. Ainsi du terme Réflexions pour le titre et pour la réclame, soit le premier mot de la page suivante inscrit en bas à droite, en minuscule, à l’encre rouge, et ainsi du colophon.

Sur ces 6 chapitres, d’inégales longueurs, on remarque que François Righi ne retient rien des 5 pages de Chambre bleue, mais 28 phrases des 80 pages de Torano ; 16 phrases des 60 pages de 1870-1876 ; 4 phrases des 52 pages de Visitation ; 9 phrases des 44 pages de L’Ange bleu et noir. Quant au dernier chapitre de 8 pages, Au soleil, à l’instar du premier chapitre, il n’en retient rien. Lecture subjective, dont le but n’est pas de résumer l’histoire, seulement de s’y abîmer. Pour qui ne connaîtrait pas le roman, il lui serait difficile de s’en faire une idée. Et pour qui le connaîtrait, il y verrait des manques. Lire à travers le manque c’est à quoi nous invite François Righi et du même coup nous invite à lire ou relire Paulina 1880. Righi est un prescripteur de lecture. Même la dernière phrase, « Vite, vite qu’est-ce que la mort ! » nous laisse dans l’incertitude. Est-ce Paulina qui se donne la mort ou la donne-t-elle à son amant Michele ?

Sur quelques pages, des rectangles peints en noir, certains portant des mots écrits en blanc, un carré, un triangle et dans le chapitre Visitation, sur les rectangles noirs, le dessin d’une croix. Hors les croix du chapitre Visitation qui se trouvent dans l’édition originale, il serait vain de chercher un sens à ces figures géométriques. Il semble même que l’artiste n’en ait cure. Rien à interpréter, sinon constater qu’elles sont là.

La couverture est peinte en noir, entourée d’un liseré laissé en blanc de la couleur du papier, comme c’est le cas pour le cartouche où le titre RÉFLEXIONS est conservé dans la typographie d’origine. La quatrième de couverture est muette.

Je ne peux m’empêcher de revenir à un livre de l’artiste, La Terre gaste (The Waste Land) de T. S. Eliot, qui présente des compositions manuscrites en capitales romaines et des illustrations de l’artiste, édité par Adélie, à Limoges et Le Tailleur d’images, à Ivoy-le-Pré en 1996. François Righi a calligraphié le texte et Jean-Michel Ponty l’a imprimé en lithographie. Ce texte, rendu illisible par la superposition des lignes, se dévoile progressivement et retourne, selon le même procédé, vers l’effacement mais à l’encre blanche ; il ne se livre donc pas facilement. François Righi se joue du lecteur en masquant l‘écriture et en ne la dévoilant que progressivement. Texte noirci dans La Terre Gaste, présence blanche dans Paulina 1880.

Au colophon de ce premier volume, François Righi note qu’« il est inséparable de l’exemplaire n° 133 de l’édition des Réflexions sur l’Imitation de N. S. J. C. de Paul de Molènes. » La raison pourrait être de deux ordres, l’une de forme : don de trois livres de même format ; l’autre de fond. En effet, on peut supposer qu’au couvent, Paulina a lu LImitation de Jésus-Christ, le livre le plus imprimé au monde après la Bible et, selon Yann Sordet, directeur de la Bibliothèque Mazarine, et rédacteur en chef de la revue Histoire et Civilisation du livre, « l’un des plus grands succès de librairie que l’Europe a connus de la fin du Moyen Âge au début de l’ère contemporaine. » Ainsi la présence de ce texte dans l’opus de François Righi se justifie-t-elle par le chapitre consacré au couvent (Visitation), dont seules quatre phrases ont été retenues.

Le dernier volume est composé de 54 miniatures circulaires peintes en noir. Elles pourraient figurer le trou produit par l’impact d’une balle sur un corps. Trois d’entre elles sont accompagnées de miniatures circulaires de plus petites tailles.

Ces cercles, à l’exception de quelques-uns, sont entourés d’une ou plusieurs lettres, répétées à des places différentes, leur somme donnant le titre du premier chapitre, Chambre bleue. 12 lettres pour marquer le lieu sur un cadran. Face à ce cadran, les lettres s’inscrivent dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, comme pour remonter le temps.

Une dernière miniature, en couleur, se distingue des autres. Elle pourrait s’inspirer de l’oculus en trompe-l’œil du plafond de La chambre des époux réalisé par le peintre Andrea Mantegna en1465 dans le palais du marquis de Mantoue, Louis III Gonzague, à Mantoue. À première vue, cela semble incongru. C’est sans compter sur l’ingéniosité de François Righi. Qui a lu ce roman se souvient que Paulina, ou plutôt sœur Blandine, a passé deux ans, de 1877 à 1879, dans le couvent de la Visitation à Mantoue. Cela est suffisant pour que l’artiste conclue ce volume par ce trompe-l’œil, trompe-l’œil à plus d’un égard, où, qui plus est, se profile un paon, au milieu d’anges et de personnages de la cour. Or, nul ne peut ignorer que François Righi s’est engagé depuis les années 1980 dans une entreprise « pavonique » monumentale !

Sur la couverture peinte en noir, entourée d’un liseré blanc, un cercle d’un noir brillant avec, en son milieu, un petit globe laissé blanc ; comme pour la couverture du volume 1, le titre, RÉFLEXIONS, est conservé par l’artiste dans la typographie d’origine, à l’intérieur d’un cartouche blanc. Face au verso du plat intérieur de la couverture, François Righi a inscrit la date « 14 août 2023 ». Noter, en outre, la présence d’une petite croix de 25 x 15 mm, découpée dans du papier et peinte en noir sur ses deux faces, glissée entre les deux dernières pages de ce volume.

Au centre de la quatrième de couverture, un cercle noir.

En réunissant ces 3 volumes dans un étui, François Righi renforce le caractère unique de sa lecture de Paulina 1880. L’ensemble est dédié à Laurence Riviale, à qui l’artiste est redevable, dit-il, de sa découverte du roman de Pierre Jean Jouve.


 

Marie-Françoise Quignard, 

Conservatrice en chef honoraire à la Bibliothèque nationale de France

1Conservateur en chef, directrice des bibliothèques de Blois-Agglopolys.

2Maître de conférences HDR en histoire de l’art moderne à l’université de Clermont-Auvergne.

vendredi 29 mars 2024

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